L’altruisme au travail est-il possible ?
Ce thème et plus particulièrement les intervenants m’ont vivement incité à vous faire un compte-rendu de la conférence.
En effet, Frédéric Laloux (FL) est l’auteur de Reinventing Organizations (2015) dans lequel il parle de l’entreprise opale dont l'organisation repose sur trois piliers :
- la raison d'être évolutive,
- la plénitude,
- l'auto-gouvernance.
Pour lui, l’entreprise fonctionne comme un organisme vivant. Je fais le lien alors avec la philosophie de la permaculture dont PALC s’inspire vivement pour sa propre organisation.
Par ailleurs FL a fait une école de commerce, a rejoint un grand cabinet de conseil puis a découvert « la vie intérieure ». S’en est suivi beaucoup d’années de développement spirituel et intérieur l’éloignant du monde de l’entreprise au fur et à mesure du fait de la dissonance ressentie entre ces deux univers.
Concernant Matthieu Ricard (MR), bouddhiste et philosophe (et bien d’autres cordes à son arc), il m’a personnellement beaucoup inspiré, notamment ses pensées sur les bienfaits de l’altruisme dans la vie en général.
Compte-rendu :
En introduction
MR : D’après une étude, sur 10 qualités recherchées au travail, la première serait celle des relations humaines, le revenu arrivant en 6e position seulement. Ainsi on voit l’importance de l’altruisme au travail pour permettre des relations le plus qualitative possible. MR propose de faire preuve de bienveillance, de partager les connaissances (coopération), ne pas être intimidé par la hiérarchie et de favoriser la créativité.
On se rend compte qu’en temps de crise, les entreprises où les employés sont heureux et font quelque chose qui a du sens pour eux tiennent mieux, elles sont plus résilientes.
FL : A décidé de ne plus faire de conseil, les structures étant « trop malsaines » avec un schéma négatif reprenant toujours le dessus malgré les accompagnements individuels réalisés auprès des dirigeants.
FL s’est rendu compte que beaucoup de personnes passent par ce chemin de développement intérieur et essayent alors de faire émerger des projets dans lesquels leurs valeurs profondes sont en cohérence avec leur activité. En analysant de plus près, il constate que les valeurs de ces entrepreneurs sont très similaires sur le fond.
Les théories
FL nous parle ensuite de deux théories pour « motiver » les travailleurs :
Théorie X à L’humain est plutôt feignant et tricheur. Ainsi il faut des règles et du contrôle, c’est un management par la peur.
Théorie Y à Chacun a envie de s’épanouir donc le rôle du management est de permettre aux personnes de faire ce qu’elles ont vraiment envie.
Au final, FL nous indique que ces deux théories sont bonnes, tout dépend de l’environnement.
Échange sur l’individualisme et l’égoïsme
FL : « Notre société a tendance à tout individualiser : deuil, développement personnel, spiritualité, etc. contrairement à autrefois ».
MR : « La recherche du bonheur égoïste est vouée à l’échec. Le cerveau n’a pas de centre de commandes, ce qui n’empêche pas des échanges constants ». MR fait ici le lien avec l’organisation opale pour les entreprises.
FL continue en illustrant un exemple de réussite du modèle opale aux Pays-Bas avec Buurtzorg entreprise néerlandaise à but non lucratif de soins infirmiers à domicile créée en 2006 par Jos de Blok.
Ce nouveau modèle considère l’organisation comme un être vivant (comme un corps ou le cerveau). La question s’est posée de comment peut-on rendre les patients plus autonomes ? Cette quête d’autonomie des patients a eu énormément d’effets positifs et le système est devenu d’une part plus efficace et d’autre part moins coûteux. Cet exemple démontré rappelle l’importance de l’organisation d’une structure.
FL nous rappelle que ce sont dans les usines qu’il y a le plus d’histoires d’auto-organisation. Cela transforme l’humain au-delà du lieu de travail. Tandis que la culture hiérarchique dévalorise le travail manuel.
Cet exemple nous montre que la théorie Y, qui cherche à renouer avec une forme d’humanité , a de nombreux effets positifs.
Propos sur l’altruisme, le désintéressement
MR lorsqu’il a co-fondé Karuna-Schechen : « Si ça ne marche pas ce n’est pas grave, on fait un pique-nique et voilà ! »
Reproche reçu : « MR, tu n’es pas intéressé par le futur de ton organisation ». Pourtant l’aventure a continué son bout de chemin et n’a cessé d’évoluer.
MR en affirme que le désintéressement est souvent paradoxalement plus lucratif.
Propos plus concrets sur la gouvernance
MR parle de « friendraising », mise en place de cercles selon les compétences de chacun. Résultats plutôt positifs quand on fait appel à l’humanité des gens plutôt que leurs fonctions.
FL : « Qu’est-ce qui ne va plus dans le modèle actuel et qu’est-ce qui m’attire ? » On découvre le chemin en y allant. Beaucoup de personnes dans une entreprise ont les mêmes inspirations, on peut se trouver des alliés. Néanmoins beaucoup d’entreprises dans le giron spirituel échouent, ce n’est pas gagné d’avance.
3 outils sont proposés :
- Cercles de gouvernance
- Effacement de l’égo
- Reliance à travailler avec des cartes de valeur (ex : inviter la joie, écoute active, …) ; faire un tour de remerciements ; 1 ou 2 min de méditation avant une réunion ; chacun exprime sa météo intérieure rapidement ; mise en place de processus de résolution des tensions et ne pas les considérer négatives, comme dans un être vivant elles sont là pour exprimer quelque chose qui ne va pas d’où l’importance d’avoir un espace pour les exprimer et trouver des solutions.
En conclusion
MR : « L’auto-organisation n’est pas le chaos, il y a des mécanismes ».
« Sans la coopération on est fichu car les problèmes sont globaux ».
FL : « Il y a la capacité individuelle à aller vers les autres et le système qui le facilite, qui met le courant dans le bon sens ».